Régime fiscal des dirigeants de société

Auxiliaire - 06/02/2023

Depuis le 1er janvier 2023, et suite à une mise à jour de la doctrine de l’administration fiscale intervenue le 15 décembre dernier, le traitement fiscal de la rémunération des associés de société d’exercice libéral (SEL) fait l’objet d’une distinction selon que ladite rémunération :

  • est perçue par l’associé au titre de l’exercice de son mandat social, laquelle sera imposée au titre des traitements et salaires,
  • est perçue par l’associé au titre de l’exercice de sa profession, on parle de « rémunération technique », laquelle sera imposable au titre des Bénéfices Non Commerciaux (BNC) sauf (1) à ce que les fonctions techniques soient indissociables du mandat social du professionnel libéral ou (2) à ce qu’il existe un lien de subordination entre la SEL et le professionnel libéral.

Quelle était la situation jusqu’alors ?

De manière simplifiée, les sociétés d’exercice libéral jouissaient d’une doctrine particulière, issue de la réponse ministérielle Cousin du 16 septembre 1996, considérant que l’intégralité des rémunérations de l’associé-dirigeant d’une SEL entraient dans la catégorie fiscale des traitements et salaires (ou celle de l’article 62 du Code Général des Impôts, assimilée aux traitements et salaires).

Cette position doctrinale se justifiait notamment en considération de ce que les associés d’une SEL exercent « en commun » une profession et ne disposeraient en conséquence pas d’une clientèle dite « personnelle ».

Et maintenant ?

La mise à jour de la doctrine administrative du 15 décembre 2022 est venue mettre fin de manière pure et simple à l’application de la réponse ministérielle Cousin à compter du 1er janvier 2023 et poser le principe selon lequel toute « rémunération technique » de l’associé dirigeant d’une SEL sera imposable, au titre de sa déclaration de revenu, dans les catégories des BNC, sauf deux exceptions notables précitées :

  • Pour les sociétés d’exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) et en commandite par actions (SELCA) : Si les fonctions techniques du gérant de SELARL sont indissociables de ses fonctions de mandataire de la société ;
  • Pour les autres formes de société d’exercice libéral : S’il existe un lien de subordination entre le dirigeant de la société et ladite société ;

Une modification qui emporte de nombreuses interrogations pour l’avenir. 

Joël LECOEUR, expert-comptable associé chez CGP, y voit « la mort programmée des SEL ». D’autres sont intrigués voir inquiets face aux éventuelles modalités de mise en œuvre de ce changement de doctrine qui viendrait placer l’associé exerçant comme un véritable entrepreneur. Doit-il, dès lors, tenir sa propre comptabilité BNC ? Emettre ses propres factures ? A sa patientèle ? A la SEL ? Est-il assujetti à la TVA ou à la CFE ?

Une modification qui pose aussi la question de ses exceptions. 

Par exemple : comment l’administration fiscale sera-t-elle en mesure de justifier de la dissociabilité entre les supposées deux formes de rémunérations du pharmacien gérant d’une SELARL ? 

Ou encore : à quel moment l’association devient telle, qu’elle peut générer un lien de subordination entre la société et l’un de ses associés dirigeant ? Si cinq, six, dix pharmaciens sont associés et dirigent une SELAS, s’opère-t-il une forme de dilution de la personnalité des dirigeants telle qu’ils se retrouvent soumis à une forme de subordination envers la société ?

Cette doctrine a tout au moins le « mérite » de créer une véritable exception libérale quand, dans une situation équivalente, le dirigeant d’une SARL (imposée à l’Impôt sur les Sociétés) ou d’une SAS, qui ne soient pas « d’exercice libéral », verra sa rémunération imposée aux traitements et salaires sans distinction du pourquoi et du comment de celle-ci. En ce sens nous pouvons donner raison à Monsieur LECOEUR lorsqu’un libéral en quête de simplicité préférera à la nouvellement incertaine SELARL une bonne vieille SARL. Quid alors même de l’avenir des SPFPL ?

C’est en tout cas une considération qu’il faudra avoir à l’esprit pour toute création prochaine que de s’interroger sur un choix qui n’en était plus un depuis des années entre ces deux formes, libérale ou non, d’une même société.


L’histoire n’est cependant pas encore terminée. Face à un revirement initialement d’application immédiate (c’est-à-dire pour la déclaration 2023 des revenus 2022), la réaction instantanée des professionnels du chiffre et du droit a permis le report d’un an. Espérons maintenant que leurs efforts et sollicitations répétés auprès de l’administration fiscale, nous apporterons au moins des éclaircissements sur cette nouvelle doctrine, voir (mieux encore si nous adoptons le point de vu de nombre de professionnels) son annulation.